L'IMMUNITE SPECIFIQUE

            L'immunité, au sens médical du terme, caractérise une situation privilégiée

dont bénéficient les sujets     qui résistent, sans présenter de troubles pathologiques,

 à une infection habituellement responsable d'un état morbide.

                  HISTORIQUE

    1798

    Edward Jenner (Angleterre)

    la vaccination antivariolique

    1880

    Louis Pasteur (France)

    l'effet protecteur des souches bactériennes atténuées

    1884

    Elie Metchnikoff (Russie)

    la phagocytose

    1885

    Louis Pasteur

    la vaccination antirabique

    1890

    Robert Koch (Allemagne)

    l'hypersensibilité retardée

    1890

    Emil Behring (Allemagne)

    la sérothérapie antidiphtérique : les antitoxines

    1897

    Paul Ehrlich (Allemagne)

    la notion d'anticorps

    1898

    Jules Bordet (Belgique)

    le complément

    1900

    Karl Landsteiner (Autriche)

    les groupes sanguins

    1902

    Charles Richet (France)

    l'anaphylaxie

    1905

    Clemens von Pirquet (Autriche)

    l'allergie tuberculinique

    1917

    Karl Landsteiner

    les antigènes

    1932

    Gaston Ramon (France)

    la vaccination antitétanique : les anatoxines

    1939

    Arne Tiselius (Suède)

    Abraham Kabat (USA)

    les gamma-globulines

    1940

    Karl Landsteiner

    le système Rhésus

    1946

    Jacques Oudin (France)

    Orjän Ouchterlony (Suède)

    l'immunodiffusion

    1945

    Robin Coombs (Angleterre)

    le test à l'antiglobuline

    1948

    Georges Snell (USA)

    la génétique de la transplantation

    1948

    Astrid Fagraeus (Suède)

    les plasmocytes produisent les anticorps

    1953

    Pierre Grabar (France)

    l'immunoélectrophorèse

    1957

    Franck Macfarlane Burnet (Australie)

    la théorie de la sélection clonale

    1958

    Jean Dausset (France)

    le système HLA

    1959

    Rodney Porter (Angleterre)

    Gerald Edelman (USA)

    la structure des immunoglobulines

    1959

    James Gowans (Angleterre)

    la recirculation et la fonction des lymphocytes

    1959

    Peter Medawar (Angleterre)

    la tolérance immunologique

    1960

    Rosalyn Yalow (USA)

    la radio-immunologie

    1961

    Jacques S. Miller (Australie)

    le thymus

    1963

    Baruj Benacerraf (Venezuela)

    les gènes de la réponse immunitaire

    1963

    Henry Kunkel (USA)

    l'allotypie

    1963

    Jacques Oudin (France)

    l'idiotypie

    1966

    Teruka et Kimishiga Ishizaka (USA)

    les Ig E

    1974

    Niels Jerne (Angleterre)

    la théorie du réseau idiotypique

    1975

    César Milstein (Angleterre)

    Georges Kohler (Suisse)

    les hybridomes et les anticorps monoclonaux

    1975

    Rolf Zinkernagel (Suisse)

    la restriction allogénique

    1982

    Susumo Tonegawa (USA)

    les gènes des immunoglobulines

    1984

    Mark M. Davis et Tak. W. Mak

    le T cell receptor

    1984

    S. Avrameas (France)

    l'immunoenzymologie

    Ce survol historique met en évidence une évolution des préoccupations. Au départ, on pensait surtout à prévenir, à guérir et à faciliter le diagnostic biologique des maladies infectieuses. Puis on a voulu connaître la structure biochimique des médiateurs, décrire les mécanismes qui entrent en jeu et préciser le rôle des lymphocytes. On pense maintenant à assurer la réussite des greffes et transplantations, à percevoir les raisons qui font qu'un cancer se développe et à comprendre pourquoi certaines maladies atteignent les uns et épargnent les autres...

OBJET ET CONTENU DE L'IMMUNOLOGIE

    La fonction immunitaire a maintenant sa place parmi les grandes fonctions physiologiques avec ses organes et cellules spécialisés, ses mécanismes particuliers et ses sécrétions ; bien entendu, elle est soumise au risque de dérèglement pathologique.

    Elle est indispensable à l'organisme car, en lui permettant de distinguer le "soi" du "non soi" (c’est le rôle dévolu au complexe majeur d’histocompatibilité), elle sauvegarde son intégrité. Mise en jeu par la pénétration dans l'organisme d'éléments étrangers, elle y suscite des transformations qui lui confèrent des propriétés nouvelles visant à neutraliser ou éliminer l'agent étranger : c'est ce qu'on appelle la "réaction immunitaire", dont l'un des caractères essentiels est la spécificité (la réponse est dirigée contre l'agent qui l'a déclenchée et lui seul).

LES ACTEURS DE LA RÉACTION IMMUNITAIRE

LES FACTEURS DECLENCHANTS

    A l'origine de toute réponse immunitaire, il y a la pénétration d'un élément étranger qui, d'une part, déclenche la réaction immunitaire (c'est l'effet immunogène) et, d'autre part, réagit d'une manière spécifique avec les produits de cette réaction (c'est l'effet antigène).

    Les antigènes sont nombreux et variés : bactéries, virus, parasites, cellules étrangères, substances toxiques, médicaments... Seules certaines structures, appelées "site" ou "déterminant" antigénique ou "épitope", sont actives.

    Certaines petites molécules ou fractions de molécules (que l'on nomme haptène) n'ont d'effet immunogène qu'associées à une grosse molécule porteuse mais c'est l'haptène qui détermine la spécificité de la réponse.

LES CELLULES DE L'IMMUNITE

    La réaction immunitaire nécessite la participation de 2 groupes de cellules : les cellules présentatrices de l’antigène et les lymphocytes.

    Les cellules présentatrices de l ’antigène (CPA)

    Elles captent l'antigène et le présentent aux lymphocytes. De nombreuses variétés de cellules assurent cette fonction et en particulier les macrophages et les cellules du "système des phagocytes mononucléés" (anciennes dénominations : "système réticulo-histiocytaire" ou "système réticulo-endothélial") ; on les trouve dans le sang (monocytes) et les tissus.

    Les lymphocytes

    On les trouve dans le sang, la lymphe, les ganglions, la rate et le thymus. Ils naissent dans la moëlle osseuse où ils se différencient à partir des cellules appelées "lymphoblastes". Ils subissent ensuite une maturation dans les organes lymphoïdes centraux pour devenir lymphocytes T (maturation thymique) ou lymphocytes B (maturation médullaire). Ils reconnaissent les antigènes car ils possèdent des récepteurs membranaires spécifiques (les lymphocytes T ne peuvent reconnaître que des antigènes modifiés et présentés en association avec les molécules du CMH de la CPA tandis que les lymphocytes B peuvent reconnaître directement l’antigène intact).

    Sous l'effet d'une stimulation antigénique (intervention des macrophages qui leur présentent l'antigène), les lymphocytes sont capables de se transformer de nouveau en lymphoblastes... ou tout au moins d'en retrouver la morphologie (c'est la "transformation lymphoblastique"). On désigne parfois ces lymphoblastes provenant de la transformation lymphocytaire sous le nom d'immunoblastes. Ces "immunoblastes" se divisent activement et donnent naissance après une dizaine de mitoses (c'est la "prolifération clonale") à de nouveaux lymphocytes ou à des plasmocytes spécifiques de l'antigène.

LES ORGANES DE L'IMMUNITE

    1. Les organes centraux

      · Le thymus peuplé de lymphocytes (appelés pour cette raison lymphocytes T) dont la majorité reste dans le thymus et une partie (5 %) circule dans le sang et la lymphe.

      · La moëlle osseuse (dont l’équivalent chez les oiseaux est la Bourse de Fabricius) est le lieu de production de toutes les cellules de l’immunité et des cellules hématopoïétiques. Les lymphocytes qui la peuplent sont appelés lymphocytes B (en anglais, moëlle osseuse = bone-marrow).

    2. Les organes périphériques

    Les organes lymphoïdes périphériques sont les ganglions lymphatiques, la rate et les formations lymphoïdes annexées au tube digestif (GALT : gastro-enteric associated lymphoid tissues) ou au système respiratoire (BALT : bronchus associated lymphoid tissues).

    Les lymphocytes T et B les habitent dans des territoires qui leur sont réservés. On y trouve également des macrophages. Ces organes lymphoïdes périphériques sont le siège de la réaction immunitaire.

LA REACTION IMMUNITAIRE

    La pénétration dans un organisme neuf d'une substance, molécule ou cellule appelée "antigène" instaure dans cet organisme une situation nouvelle : l'organisme est immunisé. Cette situation s'établit parce que se développe une réaction qu'on appelle "réponse immunitaire" et qui consiste en une prolifération de lymphocytes sensibilisés à l'antigène : c'est la réponse primaire, au cours de laquelle se multiplieront des lymphocytes à vie longue, appelés lymphocytes "mémoire".

    Lors d'une deuxième pénétration de l'antigène, la réaction immunitaire est plus rapide dans ses effets et plus efficace car accélérée et amplifiée par les lymphocytes mémoire (appelés lymphocytes "auxiliaires" ou "helper") qui se sont multipliés lors de la réponse primaire. Cette réaction est la réponse "secondaire".

    1. Les préliminaires

      L'antigène est endocyté par les cellules présentatrices de l’antigène qui captent l’antigène, le modifient et le présentent aux lymphocytes associé aux molécules de classe II du CMH.

      Les lymphocytes T qui possèdent le récepteur pour l’antigène (TCR) entrent alors en contact avec lui par l’intermédiaire de ce TCR (associé à la molécule CD3), sont activés par ce contact et subissent une transformation lymphoblastique.

      Les lymphocytes B peuvent reconnaître l’antigène sous sa forme native.

    2. La réaction immunitaire proprement dite

      La liaison antigène-site récepteur provoque des modifications chez le lymphocyte qui acquiert une morphologie de "cellule souche" : c'est la "transformation lymphoblastique". Elle précède la multiplication par mitoses (ou prolifération clonale) : les cellules filles (cellules activées) ont les mêmes sites récepteurs que la cellule mère du clone ; on distingue parmi elles les "cellules effectrices" et les "cellules mémoire".

      On décrit classiquement deux types de réaction immunitaire : la réaction à médiation cellulaire, transférable par les cellules et la réaction à médiation humorale, transférable par le sérum d'individus immunisés. Les interactions cellulaires sont habituellement décrites sous le terme de coopération cellulaire.

La réaction à médiation cellulaire

  1. La réaction à médiation cellulaire met en jeu des lymphocytes T (thymodépendants). Les lymphocytes qui acquièrent la spécialisation T dans le thymus gagnent, par voie sanguine, les aires thymodépendantes des organes lymphoïdes périphériques ; certains ont une durée de vie courte, d'autres (la majorité) ont une durée de vie longue et font partie du pool des lymphocytes circulants.

  2. La stimulation antigénique provoque la transformation lymphoblastique des lymphocytes porteurs de sites récepteurs et leur multiplication en cellules effectrices ou cellules mémoires.

  • les cellules effectrices T apparaissent dans la zone paracorticale des ganglions mais aussi parmi les lymphocytes circulants. Elles sont directement actives (lymphocytes T cytotoxiques) ou elles élaborent et sécrètent, quand elles sont stimulées par l'antigène, des substances appelées "lymphokines", responsables de l'expression de la réaction immunitaire à médiation cellulaire (lymphocytes "sécréteurs de lymphokines").

  • les cellules mémoire T sont les lymphocytes T auxiliaires (ou "helper"). Elles sont spécifiques de l'antigène, ont une durée de vie longue, et se multiplient lors de chaque stimulation antigénique. Leur nombre croît donc régulièrement, ce qui augmente les chances de rencontre avec l'antigène, et les interleukines qu'elles sécrètent, en particulier l'IL2, permettent d'amplifier la croissance et la différenciation des lymphocytes B. Ceci explique que la réaction dite "secondaire" soit plus rapide et plus affine (efficace) que la réaction primaire se développant à la suite du premier contact avec l'antigène.

La réaction à médiation humorale

Les interactions cellulaires (la "coopération")

Les antigènes thymo-indépendants sont classiquement des substances polymériques (polysaccharides bactériens, flagelline polymérisée...) capables de stimuler directement les lymphocytes B en l'absence de C.P.A et de lymphocytes T helper (lymphocytes T "mémoire"). Les anticorps libérés appartiennent dans ce cas à la classe des IgM et il n'y a pas de réaction anamnestique (= pas de commutation isotypique = pas de switch) : la réponse immunitaire est uniquement de type primaire (exemple : réponse au vaccin anti-cholérique).

FACTEURS DE VARIATION DE LA REPONSE HUMORALE

    La réponse immunitaire est susceptible d'être influencée par un certain nombre de facteurs propres à l'organisme lui-même, à son environnement, à l'antigène en cause et aux conditions d'administration de l'antigène.

    Ces facteurs de variation expliquent les aspects extrêmement divers, parfois déroutants, qui peuvent être observés à la suite du contact d'un même antigène avec des organismes vivant dans des conditions différentes. En expérimentation, ils obligent à souligner la nécessité de conditions parfaitement standardisées en ce qui concerne les protocoles d'immunisation et les animaux utilisés, si l'on veut obtenir des résultats comparables entre eux.

    1. Régulation génétique des réponses immunitaires

      La variabilité des réponses immunitaires spécifiques d'un individu à un autre, d'une race à une autre, et d'une espèce à une autre, dépendent de facteurs génétiques propres à chaque individu, chaque race, ou chaque espèce.

    2. Conditions d’administration de l’antigène

      Des facteurs comme la dose administrée, la voie d'administration de l'antigène ou l'usage d'adjuvants sont susceptibles d'influencer notablement la qualité de la réponse immunitaire.

      En outre, la nature des anticorps produits et les taux atteints varient selon qu'il s'agit d'une première administration de l'antigène (réponse primaire) ou d'une nouvelle administration de cet antigène (réponse secondaire).

      1. Réponse primaire

        · Devenir de l'antigène :

        Grâce à l'injection, le plus souvent par voie intra-veineuse (I.V), d'antigènes marqués par un radio-isotope, on a pu étudier l'évolution du taux plasmatique et la distribution des antigènes dans les organes.

        Lors d'une réponse primaire, on observe une décroissance rapide du taux plasmatique de l'antigène, dans un premier temps ; cette décroissance est due à la diffusion de l'antigène dans le secteur extra-vasculaire. Cette première phase est suivie d'une courbe de disparition plus lente qui traduit le catabolisme propre de l'antigène ; ce catabolisme est notamment assuré par les macrophages hépatiques (50 à 80 % de la radio-activité sont retrouvés au niveau du foie, à la 24ème heure), par les macrophages spléniques (5 à 10 %) et par les macrophages des ganglions lymphatiques.

        Enfin, on observe une troisième phase de décroissance du taux plasmatique de l'antigène ; cette phase de décroissance rapide correspond au début de la réponse immunitaire et est due à la formation de complexes immuns constitués de l'antigène administré et des anticorps synthétisés. Ces complexes immuns sont alors captés et détruits rapidement par les cellules mono-macrophagiques.

        · Evolution du taux des anticorps :

        Les premiers anticorps n'apparaissent jamais qu'après une période de quelques jours qui, avec les méthodes de détection les plus sensibles, n'est jamais inférieure à 24/28 h.

        En fait, ce n'est qu'après la disparition complète de l'antigène qu'apparaissent des taux réellement appréciables d'anticorps circulants (6ème ou 7ème jour). Il s'agit essentiellement d'IgM. Le taux de ces anticorps augmente ensuite progressivement pour atteindre un maximum vers la 3ème semaire, puis dessine un plateau qui s'infléchit plus ou moins rapidement par la suite.

      2. Réponse secondaire

        Il s'agit de la réponse anticorps observée lors d'une nouvelle administration de l'antigène ayant servi pour la primo-immunisation. Cette nouvelle stimulation antigénique doit être distante de la première d'au moins trois à quatre semaines, mais elle peut être effectuée plusieurs mois, voire plusieurs années, après la première stimulation antigénique.

        · Devenir de l'antigène :

        Si la première phase de décroissance rapide (diffusion dans le secteur extra-vasculaire) est identique à celle observée au cours des réponses primaires, la seconde phase (catabolisme par les macrophages du système des phagocytes mononucléés) est raccourcie, et la 3ème phase (décroissance rapide due à la formation de complexes immuns circulants) est considérablement accélérée.

        Ce phénomène est dû à la précocité de la réponse immunitaire secondaire ; cette précocité s'explique par l'existence de lymphocytes mémoire qui reconnaissent l'antigène dès qu'il est réintroduit dans l'organisme.

        · Evolution du taux des anticorps :

        Les principales caractéristiques de la réponse anticorps secondaire sont les suivantes :

        *elle est immédiate, sans phase de latence (les premiers anticorps synthétisés peuvent être détectés au bout de quelques heures, voire de quelques minutes),
        *elle est beaucoup plus intense (x 100) que la réponse primaire, le taux des anticorps atteint étant beaucoup plus élevé que lors de la réponse primaire,
        *elle comporte d'emblée une majorité d'IgG,
        *elle laisse derrière elle des taux d'anticorps résiduels plus élevés et plus durables que ceux qui proviennent d'une réponse primaire.

        Ces caractéristiques de la réponse secondaire expliquent l'intérêt des injections de rappel pour la plupart des vaccinations.

      3. Caractères communs aux deux types de réponses

      Les réponses primaire et secondaire s'accompagnent toutes deux d'une production d'anticorps hétérogène. Cette hétérogénéité porte sur :

      · les diverses classes et sous classes d'Ig : la réponse primaire, principalement constituée d'IgM, s'accompagne parfois d'une très faible production d'IgG. De même, certaines réponses secondaires, surtout lorsqu'elles sont induites tardivement après la primo-stimulation antigénique, peuvent s'accompagner d'une production initiale transitoire d'IgM. En outre, au sein de chaque classe d'anticorps, toutes les sous-classes sont en principe synthétisées (IgM1; IgG1, 2, 3, 4).

      · l'affinité des anticorps pour l'antigène ayant induit leur synthèse : elle augmente progressivement pendant la réponse immunitaire et l'on a montré que l'affinité des anticorps synthétisés au bout de plusieurs semaines pouvait être 10 000 fois supérieure à celle des premiers anticorps apparus. Ceci correspond au phénomène de maturation de la réponse immunitaire : l'affinité des anticorps est toujours plus élevée au cours de la réponse secondaire qu'au cours de la réponse primaire.

    3. Immunité et âge

      1. Période foetale et néo-natale

        Le nouveau-né naît, en principe, avec des quantités très faibles d'anticorps, à l'exception des IgG dont le taux élevé s'explique par leur origine maternelle (1 à 12 g/l de sérum).

        La faible production des anticorps synthétisés par le foetus et le nouveau-né résulte du fait, que, chez le foetus, les stimulations antigéniques sont minimes, voire nulles, dans les conditions physiologiques normales.

        Les résultats des études expérimentales menées chez l'animal, ainsi que ceux de certaines études menées chez l'homme, ont également montré qu'il existait, chez le foetus, le nouveau-né et le très jeune enfant, une immaturité immunologique relative qui est essentiellement caractérisée par une réduction de la maturation des lymphocytes B en cellules productrices d'anticorps. Divers mécanismes sont susceptibles d'expliquer ce déficit immunitaire relatif :

        · la production d'hormones thymiques inhibant la maturation des lymphocytes T pendant la période foetale et le tout début de la vie

        · une réduction des fonctions inductrices et amplificatrices des cellules auxiliaires de l'immunité, qui se traduit par une diminution des capacités de présentation de l'antigène et par une réduction de la production d'IL1.

        Cette immaturité fonctionnelle, qui s'explique par un défaut de l'expression des antigènes d'histocompatibilité de classe II sur la membrane des cellules auxiliaires de l'immunité (ainsi, d'ailleurs, que sur la membrane des lymphocytes), est probablement secondaire à un défaut de la production d'IFN gamma par les lymphocytes T encore immatures.

        Par contre, les fonctions phagocytaires et cytotoxiques des macrophages sont parfaitement normales chez le nouveau-né et le jeune enfant.

        · une hyperactivité lymphocytaire T suppressive non spécifique, qui s'explique probablement par la stimulation exagérée des lymphocytes T suppresseurs par des immuns complexes contenant des IgG d'origine maternelle. Cette hyperactivité T suppressive diminue progressivement avec la disparition des anticorps d'origine maternelle au cours des trois ou quatre premiers mois de la vie.

        Enfin, il semble également que des lymphocytes T suppresseurs excrétés dans le lait maternel puissent pénétrer dans l'organisme du nouveau-né lors de l'allaitement maternel. Ces lymphocytes pourraient également participer à l'immunodépression exagérée observée chez le nouveau-né.

        · enfin, une accélération de la vitesse d'élimination des antigènes, sous l'effet des IgG d'origine maternelle, transmises pendant la grossesse (voie trans-placentaire) ou par l'allaitement.

        Il est donc habituel de considérer les périodes foetale et néo-natale comme des périodes de faiblesse immunitaire. Cette notion appelle cependant certaines réserves, dans la mesure où, dans certaines circonstances pathologiques (syphilis, toxoplasmose, rubéole congénitales), l'enfant naît avec des taux élevés d'anticorps dont il a lui-même effectué la synthèse (IgG, IgM, IgA spécifiques).

        Malgré cette immuno-dépression relative, on peut observer, chez le nouveau-né, une importante production paradoxale d'auto-anticorps naturels divers, spécifiques de certains auto-antigènes comme la tubuline, le collagène, l'actine, etc... L'hyperproduction de ces auto-anticorps paraît due à une hyperréactivité immunologique transitoire vis-à-vis des propres constituants de l'organisme et participe probablement à la constitution du phénomène de "self-tolérance".

      2. Evolution au cours de la première année de la vie

        L'étude des variations de la concentration des anticorps sériques est un bon moyen pour apprécier l'évolution des capacités de réponse immunitaire chez l'enfant.

        · Les IgM sont à un taux très faible à la naissance. Sous l'influence des stimulations antigéniques exogènes, ce taux s'élève pour atteindre 80% du taux de l'adulte à l'âge de 1 an (1 à 2 g/l).

        · Les IgG sont, à la naissance, à un taux analogue à celui de l'adulte (10 à 12 g/l) car ces anticorps traversent le placenta et sont donc transmis passivement de la mère à l'enfant. Les IgG maternelles sont peu à peu éliminées et leur taux atteint un minimum vers le milieu de la 1ère année de vie (hypogammaglobulinémie physiologique). Sous l'influence des stimulations antigéniques exogènes, ce taux s'élève ensuite pour atteindre 80% du taux de l'adulte vers l'âge de 1 an.

        · Les IgA sériques ont un taux faible à la naissance. Ce taux s'élève très lentement pour atteindre 50% du taux adulte (1,5 à 3 g/l) vers l'âge de 1 an. L'augmentation des IgA sécrétoires est en revanche plus rapide.

      3. Chez le sujet âgé

      Chez les sujets âgés, on observe une réduction des capacités de réponse immunitaire vis-à-vis des antigènes exogènes. Parmi les diverses causes susceptibles d'être incriminées, on peut retenir :

      · une altération des propriétés fonctionnelles des cellules auxiliaires de l'immunité (diminution de la captation des antigènes, diminution de l'expression des antigènes CMH de classe II, réduction de la production d'IL1)

      · une altération des propriétés fonctionnelles des lymphocytes T helper/auxiliaires, probablement secondaire à l'involution thymique (réduction de la production d'IL2 et d'IFNg).

      Le déficit immunitaire observé, qui porte à la fois sur l'immunité spécifique (cellulaire et humorale) et non spécifique, explique en partie la plus grande sensibilité aux infections et la fréquence accrue des cancers.

      Paradoxalement, on observe une augmentation de la sensibilité des lymphocytes B aux auto-antigènes et une diminution des fonctions suppressives correspondantes. Ces phénomènes, qui dépendent principalement de l'involution thymique, expliquent la fréquence accrue des manifestations auto-immunes chez les sujets âgés.

    4. Influence du sexe

      Bien qu'il n'existe pas de différences fondamentales entre les deux sexes, des gènes présents sur les chromosomes sexuels (chromosomes X) sont impliqués dans le contrôle des réponses immunitaires, notamment dans le contrôle des réponses anticorps.

      Cette hypothèse est étayée par l'observation de déficits immunitaires liés au sexe (agammaglobulinémie de Bruton).

    5. Influence de la grossesse

      Il existe au cours de la grossesse un certain degré d'immunodépression globale non spécifique, portant essentiellement sur l'immunité à médiation cellulaire et sur les phénomènes de coopération cellulaire amplificatrice, qui se prolonge pendant la période de l'allaitement et dépendrait des facteurs suivants :

      · facteurs hormonaux (hormones sexuelles), inhibant la production d'IL2 et d'IFNg

      · facteurs sériques immunosuppresseurs (exemple : facteur sérique inhibant les réactions de cytotoxicité vis-à-vis de cellules allogéniques ; ce facteur est une glycoprotéine de 21 kDa présente au cours des grossesses normales mais absente chez les femmes présentant un risque élevé d'avortement spontané)

      La "tolérance" maternelle à l'égard de la semi-allogreffe foetale est également due à une importante immunodépression non spécifique locale (utérus, placenta), notamment pendant la première moitié de la grossesse : les substances responsables de cette immunodépression sont sécrétées par les lymphocytes, les cellules amniotiques ou les cellules déciduales de l'endomètre.

      Pendant la deuxième moitié de la grossesse, le système immunitaire maternel est stimulé par les allo-antigènes foetaux d'origine paternelle, comme en témoigne en particulier chez la mère le développement d'anticorps anti-HLA (à des titres faibles) spécifiques des antigènes d'histocompatibilité paternels. Cette réponse immunitaire se révèle bénéfique pour la tolérance de l'allogreffe foetale car elle induit entre autres la production d'anticorps bloquants et d'anticorps anti-idiotypiques qui exercent des effets immunosuppresseurs spécifiques.

    6. Facteurs nutritionnels

      · La malnutrition protido-calorique, qui est la principale cause de déficit immunitaire dans le monde, induit un déficit global de l'immunité spécifique et non spécifique.

      · Les surcharges lipidiques induisent certaines modifications hormonales (notamment une hyperoestrogénie) qui engendrent une augmentation de la production endogène de substances suppressives (prostaglandines) par les cellules mono-macrophagiques. Ceci explique le déficit immunitaire relatif observé chez les sujets obèses.

    7. Influence des médicaments

    · Traitements immuno-adjuvants : certains médicaments sont doués de propriétés immuno-stimulantes : ils renforcent notamment les phénomènes de coopération amplificatrice entre macrophages et lymphocytes T. Ils sont utilisés dans le traitement de certains cancers.

    · Traitements immuno-suppresseurs : de nombreux médicaments sont doués de propriétés immuno-suppressives plus ou moins prononcées. Les principaux sont :

    *les gluco-corticoïdes sont avant tout de puissants anti-inflammatoires. Ils se fixent sur des récepteurs membranaires et pénètrent dans les cellules (macrophages, lymphocytes, polynucléaires) où ils induisent de profondes modifications métaboliques. Leur administration prolongée à fortes doses induit une lymphopénie due à un retard de recrutement des lymphocytes à partir des organes lymphoïdes périphériques, à un ralentissement des phénomènes de recirculation lymphocytaire, à la mortalité cellulaire résultant de l'inhibition des synthèses protéiques et à une inhibition de la prolifération lymphocytaire expliquée par une diminution de la production de facteurs amplificateurs tels que l'IL1 et l'IL2.

    *les substances anti-mitotiques utilisées dans les traitements anti-cancéreux ont une forte cytotoxicité puisqu'ils inhibent la synthèse de l'ADN et la multiplication cellulaire.

CONCLUSION

La réponse immunitaire comporte la reconnaissance et la présentation de l'antigène par les macrophages ainsi que la stimulation, la multiplication et la différenciation des lymphocytes dont il préexiste des précurseurs B ou T.

Les interactions entre ces différentes cellules sont toutefois nécessaires à la réaction immunitaire qui est génétiquement contrôlée, et les lymphocytes T auxiliaires (ou "helper") caractérisés par leur marqueur membranaire CD4, sont les principaux acteurs de cette coopération cellulaire.

Elle est également modulée et, comme tout phénomène physiologique, doit rester adaptée aux besoins de l'organisme. Des médiateurs non spécifiques libérés